Le sanctuaire de Delphes fut l'un des
centres religieux les plus importants du monde grec et de nombreuses villes y avaient
constitué un trésor comme Corinthe et la lointaine Massalia. Le plein épanouissement de
ce sanctuaire se situe aux VIème et Vème siècle. L'ensemble de la sculpture est en marbre à grosses paillettes de quartz que l'on trouve à Naxos et à Paros. Ce sphinx est daté vers 560-570 avant JC. Mais certains archéologues l'estiment à une date plus haute, vers 580, en raison des traits du visage, du caractère allongé et oblong de la tête, de la bouche sans sourire et de la chevelure au noeud d'Héraclès.
la colonne et son chapiteau. Cette colonne est ionique, comprenant une base en forme de meule. Au VIème siècle, l'ordre ionique était fréquemment utilisé en Grèce orientale. Ce chapiteau est caractéristique de lart delphique par son allongement, son absence d'abaque, peut-être dû au fait qu'il supporte une sculpture et par son balustre presque cylindrique. L'absence d'oeil au centre de la volute s'xplique par sa datation. Il se rapproche des chapiteaux archaïques découverts sur l'acropole d'Athènes, à Délos et à Ephèse, hormis la largeur des volutes inhérente à la taille du sphinx qu'il devait supporter. Le sphinx. Si l'on compare le sphinx du sanctuaire de Delphes à d'autres sphinx produits pendant cette même période, on rencontre des oeuvres aux proportions plus harmonieuses et plus réalistes. Le sphinx provenant du sanctuaire d'Athènes et conservé au Céramique, daté vers 560 avant JC a un corps plus réaliste aux muscles légèrement suggérés et à l'arrière train aux proportions plus conformes : le fémur existe. La jonction entre l'omoplate et l'humérus est accentuée sans être trop présente. Son attitude est plus dynamique, impression donnée par l'arrière train qui ne repose pas sur le socle ce qui est l'attitude la plus fréquente non suivie par le sphinx des Naxiens.La zone comprenant le poitrail et le haut des épaules est agrémentée d'incisions qui donnent l'aspect d'un plumage. Le poitrail est celui d'un oiseau aux plumes serrées et parallèles dont le dessin est très géométrique. La séparation entre le poitrail et l'aile est soulignée par trois lignes qui ont un effet très décoratif tout en étant sobre. Les ailes se divisent en trois parties à la décoration différente, sur l'épaule la surface est unie et lisse, et suivant les même sinuosités apparaît une bande de plumes en incisions parallèles. Ensuite, les rémiges forment le prolongement de l'aile et lui donne cette forme typique en faucille. Ils ont un traitement soigné jouant entre le modelé et l'incision. Les nuances de traitement des surfaces mettent en évidence la dextérité du sculpteur et donne un effet décoratif recherché pour une sculpture votive. De plus, la hauteur d'exposition de l'oeuvre nécessitait un traitement changeant des surfaces. Le sculpteur a cherché à reproduire l'aspect du plumage, peut-être de façon plus appuyée que dans les autres représentations de sphinx. La raison en est peut-être la hauteur où se trouvait la statue. La tête a une forme ovale très allongée, aussi large au sommet qu'au niveau du menton, La continuité des nattes du sphinx sur ses épaules permet de confirmer qu'il regardait droit devant lui. Les yeux ont une légère forme triangulaire arrondie et de grande taille, leurs arcades sourcilières en demi-cercle sont très accentuées et créent ainsi une zone d'ombre au-dessus des paupières. Il est difficile de dire si les paupières et les sourcils étaient incisés ou modelé à la manière du sphinx d'Athènes ou modelés. La bouche aux lèvres qui devaient être épaisses esquisse un léger sourire, effet surtout du aux incisions des commissures plus qu'à la forme des lèvres. Le nez devait être assez large. Le front est étroit et légèrement fuyant. Les pommettes ne sont pas indiquées et la zone des yeux elle- même ne rompt pas avec la continuité des surfaces. Le cou est large. |
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Ce sphinx comme tout les autres devait être peint, les cheveux devaient être rouge, les cils noirs, la prunelle et la pupille rouge et noir, les lèvres rouge, le plumage blanc, bleu, rouge... L'aspect déroutant du sphinx de face peut laisser imaginer qu'il devait être regardé de coté mais il est difficile de dire si son aspect devient plus naturel, exposé à la même hauteur. L'iconographie du sphinx est d'origine orientale et notamment égyptienne. En Assyrie, le sphinx semble être un élément surtout décoratif tandis qu'en Egypte, sa représentation a un sens qui va au delà de la simple décoration comme celui de Ghized qui veillait sur la nécropole des pyramides. La Grèce a emprunté à ces deux origines : à l'Assyrie le type plastique du sphinx ailé à la tête de femme car le sphinx féminin est une exception dans l'art égyptien et à l'Egypte, elle a repris la symbolique funéraire. Il s'agit d'une croyance grecque mais le type est oriental. La première mention de cette croyance fut faite par Hésiode qui fait naître le sphinx d'Orthros, le chien de Gényon et d'Echidna. Selon d'autres, les parents seraient Typhon et Echidna. Dans ces légendes, les sphinx appartiennent à la famille des esprits malveillants, comme les Kerès, les Erinyes, les Harpyes et les sirènes. La tradition confronte également Oedipe au sphinx. En effet les thébains se réunissaient chaque jour et devaient répondre à la question du sphinx. S'ils n'en étaient pas capables, le sphinx se chargeait d'en dévorer un. Mais, Oedipe trouva la solution, selon les différentes traditions, il le tua ou le sphinx le fit lui-même Dès le XIIème siècle, les intailles syriennes présentent fréquemment des sphinx prenant le type assyrien qui devient prépondérant. Le motif favori est le regroupement héraldique des monstres autour d'un arbre de vie. A Mycènes, à la fin du IIème millénaire avant JC, le sphinx est représenté ailé, au visage de femme, les seins sont peu marqués et il porte une tiare. A l'époque archaïque, le sphinx redevient un thème fréquent lors du courant orientalisant où il prit une place d'honneur parmi les figures ailées et les animaux fantastiques provenant d'Asie. On trouve le sphinx barbu, coiffé d'une double tiare ou le sphinx à deux corps avec une tête unique. Au VIIème siècle, le monstre est figuré sauf exception avec au corps de lion, aux ailes d'oiseau et à la tête de femme. Ces sphinx ont gardé leur caractère funéraire et on les trouve en trois situations : - en acrotères de temple, La mode des sphinx couronnant les stèles funéraires fut forte durant les deux premiers tiers du VIème siècle. Des modèles de Sphinx ont été définis selon leur emplacement, sur les stèles ou sur des colonnes. Les Sphinx placés sur des stèles seraient funéraires tandis que les autres auraient un caractère votif. De plus, les sphinx funéraires tourneraient la tête à 90° degrés par rapport à leur corps et se trouveraient hors des villes, tandis que les sphinx votifs regarderaient devant eux. Mais on a trouvé à Athènes et à Délos des Sphinx qui n'appartiennent pas à des monuments funéraires mais qui avaient néanmoins la tête tournée. Selon Homolle, le sphinx des Naxiens était le gardien du tombeau de Python et le compagnon du triomphe d'Apollon. Mais B. Holtzman indique qu'à cette époque, le culte de Python étant très atténué, la présence de ce sphinx monumental et rappelons-le dépassant tous les trésors serait un geste d'une ampleur trop importante. Par contre, Dionysos était le patron des Naxiens et surtout le seul maître du sanctuaire durant les mois d'hiver où Apollon se retire chez les Hyperboréens. Dionysos est de nature héroïque, il a été victime des Titans qui le mirent à mort et devint immortel. Il aurait une tombe qui se trouve à coté de la fosse au dessus de laquelle prophétise la Pythie, dans l'adyton du temple. Il est également difficile de définir l'orientation qu'avait ce sphinx. Si on suit l'idée de B. Holtzman, il regarderait peut-être vers l'adyton du temple. Il pouvait être également tourné vers le rocher de la sibylle. De plus, au 6ème siècle, Naxos est l'île la plus puissante des Cyclades et notamment vers 570-560 avant JC, période de l'élaboration de cette sculpture et beaucoup d'oeuvres naxiennes ont été produites à cette époque pour de grands sanctuaire grecs, notamment Délos, avec la statue dédiée à Nicandré, le couros colossal et la terrasse aux lions. Il n'est pas étonnant que le sphinx domine par sa taille tous les autres trésors. L'inscription gravée sur la base de la colonne qui supportait le sphinx est relative au renouvellement de la promantie qui daterait du IVème siècle. Cette inscription tardive s'explique par la coutume de réserver une zone dédicatoire aux dynasties futures. Sur le plan formel, ce sphinx ressemble assez aux autres sphinx produits à la même époque, certains éléments permettent de le relier à toute une production naxienne. Il est à constater qu'un certain effet décoratif a prévalu sur un désir d'une représentation anatomique réaliste. La signification de la présence de ce sphinx à Delphes et notamment la position de sa tête n'est pas aisée à définir. En fait, sans élément de comparaison, nous pourrions dire qu'il s'agit d'un sphinx votif en raison de sa présence sur une colonne et de la position de sa tête mais d'autres sphinx ont été retrouvés et ce fait qui paraît si évident à Delphes ne l'est plus dans d'autres sanctuaires comme à l'Acropole. De plus, sa position géographique est importante puisqu'il se trouve à coté du rocher de la Sibylle. Cet emplacement est-il dû à la puissance et à la richesse de Naxos au moment de l'érection de ce monument ou a-t-il un sens plus religieux ? Selon B. Holtzman, ce sphinx serait un monument mi-votif mi-funéraire à la mémoire de Dionysos. Il se situerait donc à côté du temple d'Apollon occupé par Dionysos en son absence. Il semble que les représentations du mythe d'Oedipe, datant du Vème siècle, soient issues de ce type de sphinx assis sur une colonne. Sur de nombreuses représentations comme sur la coupe attique à figures rouges datant de 470-460 avant JC et conservée au Vatican, le sphinx est assis sur une colonne ionique devant Oedipe alors que d'après la légende il devrait être sur un rocher |