Nous avons choisi de vous parler d'un tableau d'autel du XVIIIème siècle qui se trouve dans le transept de l'église Saint-Roch.

Le Miracle des ardents par Gabriel-François Doyen,
Salon de 1767.

 

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Plan de l'église Saint-Roch, issu de l'Architecture française de J.-F Blondel, 1754, III, p.116.

Ce plan ne présente pas l'état actuel de l'église

 

Le Miracle des ardents .

Vers 1760, Boullée, l'architecte des embellissements du transept, décide de dédier cette chapelle à sainte Geneviève, sainte protectrice des parisiens et également intercesseur face à la maladie, comme saint Roch.

Le thème choisi est celui d'un épisode de la vie de sainte Geneviève.

" En 1129, sous le règne de louis VI, une maladie épidémique, qui consistait dans une ardeur dévorante, affligea subitement la ville de Paris, dont tous les habitants moururent, ayant les entrailles brûlées. Le fléau cessa tout à coup par l'intercession de sainte Geneviève ".

Gabriel-François Doyen reprenait ce thème qui permettait de mettre en valeur son goût pour le pathétique.

Les signes de maladie sont visibles. Il s'agit de l'ergotisme qui est une intoxication mortelle produite par l'ingestion du seigle ergoté.

Sainte Geneviève naquit vers 423. La foi religieuse de la jeune fille se révéla lors du passage à Nanterre, lieu de résidence de Geneviève et ses parents, de saint germain, l'évêque d'Auxerre et de saint Loup, l'évêque de Troyes. Vers 438, elle prit le voile des Vierges, signe de son union mystique avec le Christ.

Pendant la période d'invasions, elle porta secours aux plus démunis, soigna les malades, leur offrit son argent. En 451, elle dissuada les parisiens de fuir à l'approche de l'armée d'Attila, malgré le nombre et la puissance de celle-ci.

Reconnue par les rois francs, Childéric et Clovis libèrent sur ses injonctions des prisonniers ou à gracier des condamnés à morts. Elle meurt le 3 janvier 512 selon certains auteurs quelques mois après Clovis, décédé le 27 novembre 511 ou en 502 d'après la Vita Genovefae.

 

rochmiracle.gif (30736 octets) Dans la composition de ce tableau, la coupure est traditionnelle entre le registre supérieur, le divin et le registre inférieur, le terrestre. Le lien se fait par le biais de gestes et de regards.

La composition peut être divisée en quatre parties " si artistiquement enchaînées qu'elles ne font qu'un sujet unique et sans interruption ". 

Les liens entre les groupes sont assurés par les gestes et les regards. Des redondances iconographiques relient les personnages, notamment les angelots et les enfants malades : De ces deux anges qui sont immédiatement au-dessous de la sainte, il y en a un qui regarde l'enfant qui souffre entre les bras de son père, et qui le regarde avec un intérêt très naturel et très ingénieusement imaginé.

Cette idée est d'un homme d'esprit et l'ange et l'enfant sont deux morveux du même âge ".

Cette toile fut exposée au salon de 1767 où la critique admit le talent de Doyen. Diderot souvent acerbe à l'égard de celui-ci déclara " C'est sans contredit la meilleure de ses productions ".

Le pathétique de l'oeuvre fut l'aspect le plus souligné par les gazettes : " Quoi de plus effrayant, de plus frappant, de plus pathétique, que ces groupes de morts et de mourants et de malades agités, déchiré par les tourments les plus affreux ". Cette qualité plaçait Doyen en héritier de Deshays dont on parlait également en ces termes au Salon de 1765.

Lors de l'accrochage dans la croisée du transept, le peintre s'apercevant que la robe de la femme située au centre de la composition était trop lumineuse, en corrigea les reflets sur place.

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Les enjeux du décor de l'église saint Roch.

Avec le tableau de Doyen, nous ne présentons qu'une petite partie du décor qui fut imaginé pour l'église Saint-Roch.

Il n'était pas qu'un élément décoratif. Le choix de ce peintre déjà renommé et de sa manière devaient plaire aux amateurs.
Et pour leur plaire, il fut décidé qu'un autre peintre ornerait l'autre croisée du transept : Joseph-Marie Vien, peintre très différent de Doyen.

La présence de ces deux peintres dans le transept d'une riche église parisienne est la preuve d'un tournant décisif dans l'esthétisme de la deuxième moitié du XVIIIème siècle.

la peinture empreinte de " noble simplicité " et de " grandeur sereine " était de mieux en mieux accueillie par une certaine élite tandis que les amateurs préféraient des tableaux mouvementés comme celui de Doyen : " le mouvement frappe plus que le repos ". Les découvertes d'antiques à Herculanum et les textes de Johann Joachim Winckelmann introduisaient les notions d'imitation de la nature conjuguée à la connaissance d'oeuvres antiques comme base de la beauté. Le beau n'était pas à trouver dans le réalisme, comme le faisait Doyen, l'artiste devait purifier son regard face à la nature grâce à sa connaissance de l'antique. Vien prônait cette imitation de la nature qu'il avait réintroduite à l'Académie.

Nous analyserons prochainement le tableau qui se situe en face de celui du Doyen, à l'église Saint-Roch : la prédication de saint Denis.

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